mardi 31 janvier 2012

Une période d'essai d'un an n'est pas raisonnable



Aux termes de l’article L.1221-20 du Code du travail la période d’essai « permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. »

Les règles applicables à la période d’essai découlent directement de sa définition. (sur l’application de cet axiome aux cas de rupture abusive en période d’essai : article)

Ainsi, puisqu’elle a pour objet de permettre aux deux parties, employeur et salarié, d’apprécier si chacune trouve son compte dans l’exécution du contrat de travail, la période d’essai doit, par essence, être limitée dans le temps.

En effet, de nombreux mois ne sont objectivement pas nécessaires pour voir si un salarié est à même d’occuper correctement son emploi. Corrélativement, le salarié peut assez rapidement juger si le poste lui convient ou pas.

C’est la raison pour laquelle la loi prévoit les durées maximales suivantes pour la période d’essai :

-    2 mois pour les ouvriers et les employés ;
-    3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ;
-    4 mois pour les cadres.

Ces durées sont impératives. Seuls les accords collectifs conclus avant le 26 juin 2008 peuvent encore y déroger en prévoyant des durées plus longues.

De la même façon, la période d’essai ne peut être renouvelée qu’une seule fois et à la triple condition :

-  qu’un tel renouvellement soit autorisé par la Convention collective applicable ;
-   que le contrat le prévoie expressément ;
-   que l’employeur informe le salarié de sa volonté de renouveler sa période d’essai avant l’expiration de la durée initiale, et que le salarié donne son accord exprès et non équivoque au renouvellement.

Même lorsque l’ensemble de ces conditions sont réunies, le renouvellement de la période d’essai ne peut, en tout état de cause, pas porter la durée totale de la période d’essai à :

-    plus de 4 mois pour les ouvriers et les employés ;
-    plus de 6 mois pour les agentes de maîtrise et les techniciens ;
-    plus de 8 mois pour les cadres.

Là encore, ces durées maximales sont impératives, et seuls des accords collectifs conclus avant le 26 juin 2008, peuvent selon là loi y déroger.

Un arrêt de la Cour de Cassation du 11 janvier 2012 (10-17945), encadre encore davantage cette exception légale.

Dans cette affaire, un Directeur de supermarché avait été embauché avec une période d’essai de 6 mois renouvelable une fois, la clause du contrat reproduisant sur ce point les dispositions de la Convention collective du commerce de gros à prédominance alimentaire.

La période initiale de 6 mois ayant été renouvelée, l’employeur avait mis fin au contrat au bout de 11 mois et demi.

Saisie de la contestation de cette rupture par le salarié, la Cour d’Appel de MONTPELLIER avait rejeté ses demandes en retenant que :

-  l’employeur n’avait fait qu’appliquer les dispositions de la Convention collective applicable et conclue avant le 26 juin 2008 ;
- eu égard à la nature du poste du salarié et à sa qualification professionnelle, la durée de la période d’essai de 6 mois renouvelable n’apparaissait pas excessive.

C’est précisément sur ce dernier point que cette décision est cassée : « qu'en statuant ainsi alors qu'est déraisonnable, au regard de la finalité de la période d'essai et de l'exclusion des règles du licenciement durant cette période, une période d'essai dont la durée, renouvellement inclus, atteint un an, la cour d'appel a violé la convention internationale susvisée. »

La Haute Cour fait ici référence à la Convention internationale n° 158 sur le licenciement adoptée à Genève le 22 juin 1982 et qui protège les salariés, sauf pendant leur période d’essai à condition que la durée de celle-ci « soit fixée d’avance et qu’elle soit raisonnable ».

En application de ce texte supranational, les accords de branche conclus avant le 26 juin 2008 qui prévoient des durées de période d’essai plus longues que les maxima légaux, ne peuvent s’appliquer qu’à condition de ne pas déboucher sur des durées de période d’essai déraisonnables.

L’appréciation du caractère raisonnable ou non de la période d’essai relèvera de l’appréciation des Tribunaux, et dépendra certainement de la nature de l’emploi concerné.

En tout état de cause, au vu de l’arrêt de la Cour de cassation, il apparait évident que, quelque soit la catégorie professionnelle du salarié, les accords collectifs qui font encore référence à une durée de période d’essai de six mois renouvelable ne doivent plus être appliqués par les employeurs.

(Publié le 27 janvier 2012 par Me Pierre FERNANDEZ, Avocat à Paris) 

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