mardi 31 janvier 2012

Responsabilité bancaire : distinction entre l'emprunteur profane et l'averti


On le sait, la jurisprudence ne se montre guère favorable aux emprunteurs qui viennent se plaindre auprès du juge de ce que la banque…leur a prêté de l’argent.

Pour autant, dans son rôle de dispensateur de crédit, le banquier ne peut pas faire n’importe quoi, et risque d’engager sa responsabilité s’il octroie des crédits totalement disproportionnés aux facultés financières des emprunteurs. On considère dans une telle hypothèse que la banque manque à son obligation d’information et de loyauté vis à vis de son client.
Voilà pour la théorie.
En pratique les cas de responsabilité bancaire étaient dernièrement extrêmement rares. En effet, la Chambre Commerciale de la Cour de cassation exigeait pour se faire (et exige toujours) que soit rapportée la preuve de ce que la banque, au moment de l’octroi du crédit, disposait, sur la situation financière de l’emprunteur, d’informations que celui ignorait lui-même !
C’est cette jurisprudence qui vient d’être très sensiblement nuancée cette fois par la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation, dans des arrêts récents du 12 juillet 2005.
Pour la Première Chambre il faut distinguer.
Si l’emprunteur est averti, la faute de la banque ne peut être établie que si elle possédait, sur ses facultés contributives, des informations que lui-même aurait ignoré. (Civ. 1ère n°03.10770) C’est la même solution que celle retenue par la Chambre Commerciale.
En revanche, s’il s’agit d’un emprunteur profane, la seule preuve de la disproportion du prêt à ses capacités financières suffit à engager la responsabilité de la banque. (Civ.1ère n°03-10921).
La Première Chambre tient ainsi compte de la qualité de l’emprunteur pour apprécier les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de la banque. Cette dernière engagera plus facilement sa responsabilité vis-à-vis du profane que de l’averti, ce qui semble logique.
Reste à savoir ce qu’est réellement un emprunteur averti et un emprunteur profane, ces deux notions étant inconnues du droit du crédit.
A la lecture des deux arrêts du 12 juillet 2005, il semble qu’il faille tenir compte de la catégorie socioprofessionnelle de l’emprunteur ainsi que de l’habitude qu’il a ou non de souscrire le même type de crédit.
En réalité, et comme bien souvent, tout sera certainement affaire d’appréciation au cas par cas par les juges du fond.

(Publié le 19/10/05 par Pierre FERNANDEZ, Avocat à la Cour) 

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