lundi 30 janvier 2012

PERSPECTIVES AFRICAINES




Afrique du Sud : 
Et s’il y avait un arrêt des importations de pétrole iranien ? C’est ce que semble envisager le gouvernement si les sanctions internationales à l’encontre de Téhéran augmentaient. 
  • Commentaire: L’Afrique du Sud importe un quart de son pétrole d’Iran, ce qui la rend très vulnérable à un embargo sur le brut iranien. Face à ce dilemme, l’État a annoncé qu’il cherchait de nouveaux parte-naires afin d’assurer l'approvisionnement de ses raffineries. 
         Pour le moment, l’Europe n’a pas demandé la mise en place d’une telle mesure à l’Afrique du Sud, mais le         risque est bien réel.


Ghana : 
+12% a/a de croissance du PIB au troisième trimestre 2011. Ce chiffre est moins élevé qu’attendu (+13,8% a/a), même si la croissance économique reste robuste. Des problèmes techniques rencontrés pour exploiter le pétrole doivent peser sur les performances du pays. La production pétrolière a été revue à la baisse de 120 000 barils/jour à 80 000 barils/jour.

Nigéria : 
Boko Haram inquiète l’ensemble de l’Afrique. L’Union africaine, dont le sommet se tient actuellement à Addis Abeba, s’est dite inquiète par la multiplication des violences perpétrées par Boko Haram et le risque qu’elles se propagent dans les pays voisins du Nigéria. Les raisons de s’inquiéter sont réelles : le ministre des Affaires étrangères nigérian a annoncé que les liens entre Al-Qaida et Boko Haram étaient avérés (lors d’une réunion à Nouakchott en présence des ministres des Affaires étrangères du Mali, du Niger, de l’Algérie et de Mauritanie, quatre autres pays concernés par la menace islamiste). Les islamistes auraient apparem-ment reçu un entrainement militaire d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), tandis que d’autres seraient en cours d’entrainement avec les Shebab somaliens. 
  • Commentaire: Le 20 janvier dernier, la secte islamiste a encore tué 186 personnes lors de fusillades et d’attentats à Kano au nord du pays. Les violences sont de plus en plus fréquentes et sophistiquées. Le gouvernement de Goodluck Jonathan peine à stopper le déferlement de violences religieuses et à retrouver une crédibilité après les manifestations contre la suppression des subventions sur les prix du pétrole (la population a vécu la mesure comme une trahison). Pour cette raison, le Nigéria envisage sérieusement de se rapprocher davantage des pays sahélo-sahariens, afin de renforcer la sécurité sur son territoire. Si cette mutualisation de la politique sécuritaire se fait rapidement et efficacement, elle devrait lui permettre de mieux appréhender la menace islamiste.


Soudan & Soudan du Sud : 
Juba stoppe la pro-duction pétrolière. Le conflit soudanais se poursuit autour du partage des revenus de l’or noir. Le Soudan du Sud a accusé la semaine dernière le Soudan de s’être approprié un stock de pétrole d’une valeur de 815 millions USD et a stoppé sa production en représailles. 
  • Commentaire: Les 350 000 barils/jour produits en moyenne au Soudan du Sud ne peuvent être raffinés sans l’appui des infrastructures présentes au Nord. En échange du transit, le pays accepte de reverser seulement 0,7 USD/baril alors que le Soudan en demande 36 USD/baril. Des négociations ont eu lieu du 17 au 23 janvier, lors du Sommet de l’Union africaine tenu à Addis Abeba, et en présence d’émissaires chinois ; mais, pour le moment, une amélioration de la situation est diffici-lement envisageable. Le Soudan du Sud est un pays en pleine construction, donc avec d’importants besoins financiers. Il est aussi en proie à des conflits interethniques (qui auraient fait plusieurs centaines de morts selon les Nations-unies, voire plus de 3 000 victimes selon une source nationale). Le Soudan risque, quant à lui, d’avoir quelques difficultés à abandonner une partie de ses revenus pétroliers (environ 75%), ce qui laisse craindre une dégradation accrue des relations entre les deux pays.


Tchad : 
Fermeture de la raffinerie de Djermaya. La raffinerie, située au nord de N’Djamena et détenue à 60% par des investisseurs chinois (CNPCI-Compa-gnie nationale chinoise de pétrole), ainsi qu’à 40% par l’État tchadien, a mis la clé sous la porte à cause d’une mésentente entre les deux partenaires sur les prix des carburants. Le gouvernement avait, en effet, fixé un prix de vente de 380 FCFA pour le super et de 520 FCFA (655,59 FCFA/EUR) pour le gazole, afin de limiter le coût des carburants pour la population. Mais, il y a un mois, pour contester un tel prix, la raffinerie avait décidé de suspendre la production de pétrole. Finalement, la semaine dernière, le gouvernement a demandé au directeur général de partir. 
  • Commentaire: Le Tchad dont la croissance économique est attendue à 7,4% en 2012 est un pays dépendant des secteurs agricole et pétrolier (en 2010, le pétrole a représenté 90% des exportations). Malgré cette richesse, le Tchad reste un pays pauvre et sa dépendance au secteur primaire (57% du PIB) le rend vulnérable aux chocs sur les prix des produits alimentaires et énergétiques. D’autant plus que le pétrole représente aussi une grande partie des revenus publics. L’impact de la fermeture de la raffinerie de Djermaya, qui devait produire 12 000 ba-rils/jour est pour le moment difficile à mesurer. Tout dépendra de la capacité de l’État tchadien à remplacer les investisseurs et à faire repartir la production. Néanmoins, ce conflit pourrait plus certainement dégrader les relations commerciales entre le Tchad et la Chine. La puissance asiatique est un de ses principaux partenaires économiques : elle représente 13% des exportations tchadiennes (derrière les États-Unis, source EIU) et 12% de ses importations (première source d’importations).


Tchad : 
Elections locales historiques. Dimanche 22 janvier se sont déroulées les premières élections locales de l’histoire du pays auxquelles a participé l’opposition qui avait boycotté le scrutin présidentiel d’avril 2011. Ce dernier avait été gagné par le président Idriss Deby, du parti MPS-Mouvement patriotique du Salut, lui permettant d’accéder à son quatrième mandat. 
  • Commentaire: Ces élections locales sont une bonne nouvelle pour le pays. D’abord, elles ont enfin eu lieu, après avoir été reportées à six reprises (elles étaient initialement prévues en juin 2011). Ensuite, l’opposition (au sein de la coalition CPDC-Coordination des partis politiques pour la défense de la constitution) était présente contrairement aux dernières élections présidentielles. Néanmoins, la forte abstention laisse penser que les Tchadiens ont peu d’espoir de changements. Le président Idriss Deby est au pouvoir depuis 1990 (grâce à un coup d’État) impliquant que même si l’opposition gagne ces élections locales, son emprise sur le pays restera grande.

Maroc : 
2011 forte croissance, les déficits se creusent. 2012 : moins de croissance, mais toujours autant de déficits. Les statistiques économiques du troisième trimestre 2011 étant disponibles, nous constatons la poursuite de la forte croissance marocaine (+4,8% a/a au troisième trimestre), porté par une saison agricole 2010/2011 favorable (+13%), d’une fréquentation touristique et de transferts des Marocains résidents à l’étranger en légère croissance (+3-4%), et surtout par une consommation intérieure (publique et privée) dynamique (+7% a/a au troisième trimestre) dans un contexte où l’inflation est minime grâce aux subventions des prix alimentaires et du pétrole. Cette bonne performance de l’économie se confirme dans la dernière enquête/sondage sur le climat social et économique. Les entreprises répondantes ont jugé à 96% le climat social comme « calme », à 81% que leur trésorerie est « normale ». Seules les entreprises des secteurs électrique, électronique, de la métallurgie et des industries mécaniques (donc principalement des sous-traitants qui exportent vers l’Europe leur production) anticipent une poursuite de la baisse de leurs effectifs, citant les prix élevés de l’énergie comme étant leur principale difficulté. Pour illustrer cette dynamique positive, un indicateur : le Doing business 2012 classe le Maroc à la 94e place, contre la 115e en 2010, soit la plus importante progression mondiale de l’année. Mais la bonne performance de l’économie se fait aussi au prix d’une forte hausse des importations, dont la facture atteint un record de 40 Mds USD et génère un déficit commercial proche de plus de 20 milliards USD sur l’année 2011. Le déficit courant est donc aggravé et devrait atteindre les 7% du PIB. Le financement de ce déficit – par des ressources locales principalement – s’est fait sans grandes difficultés, malgré quelques tensions sur les liquidités en devises. Au final, les réserves de changes se maintiennent et couvrent un peu moins de cinq mois d’importations, de quoi rassurer sur la stabilité du change et la couverture du déficit courant en 2012.
Pour l’ensemble de l’année 2011, la croissance serait proche de 4,5%, en raison d’un ralentissement qui se fait ressentir au quatrième trimestre 2011 et qui se poursuivra probablement en 2012, sous l’effet du ralentissement européen (prévision : +3%). 
  •  Commentaire : La dynamique économique du Maroc sur l’année 2011 se détache de celles de ses voisins d’Afrique du Nord. La hausse des intentions d’investissement au Maroc s’est d’ailleurs poursuivie et même accélérée avec les révolutions en Tunisie et en Égypte. Néanmoins, nous considérons que la dynamique actuelle n’est pas soutenable, en raison de son poids sur les dépenses publiques. Tout d’abord, 2012 est une année de ralentissement économique en Europe (0% de croissance attendue) et le déficit commercial (et donc budgétaire en raison des subventions) dépendra du coût des matières premières importées. Même dans l’hypothèse où les revenus en devises du pays sont peu affectés en 2012 (ce qui n’est pas assuré en raison de la crise en Europe), au niveau interne et budgétaire, les hausses de salaires et de certaines subventions courant 2011 provoqueraient un déficit de 6% du PIB en 2012, même dans l’hypothèse d’une baisse sensible des prix alimentaires et d’un baril de brut à 100 USD (prévisions officielles). On peut raisonnablement s’attendre à des dérapages… La dette publique et la dette externe sont donc inscrites en hausse, et l’endettement public passerait de 64% du PIB (en incluant les entreprises publiques/parapubliques ; 49% sinon) à plus de 70% fin 2012. Si les craintes macro-économiques pour l’année 2012 restent relativement limitées, cette trajectoire de la dette publique et des déficits est probablement insoutenable à moyen terme (à moins d’une forte dynamique d’investissements étrangers). Elle doit pousser le gouvernement à prendre des mesures fiscales, ou à défaut, il faudra éventuellement réévaluer à la hausse le risque souverain marocain, malgré la dynamique positive du secteur privé.
Égypte : 
Scénario noir économique, mais peut être cinq mois d’accalmie politique. Sur le front économique, les dernières données (croissance juillet 2010/juin 2011 de 1,8% ; un déficit budgétaire prévu par le gouvernement à 10% du PIB, mais qui atteindre vraisemblablement 12%, tant l’objectif de croissance de plus de 3% en 2011/2012 parait difficile à atteindre aujourd’hui) et les dernières prévisions du FMI en ce début d’année, nous permettent de confirmer notre scénario de dette (un scénario « noir » devenu scénario central), avec une dette publique qui dépasserait les 90% du PIB en 2012, puis atteindrait les 100% en 2013. 
Le financement de cette dette en monnaie locale devient très onéreux (15,77% lors de la dernière émission de bons du Trésor) et le gouvernement se tourne vers les émissions en devises avec une deuxième émission en dollars (3,8%) pour 1 milliard USD (la demande a atteint 2 milliards) et une obligation islamique est en cours de préparation.

Égypte : 
Risque de crise de change et de défaut souverain. L’horizon d’un scénario noir de crise de change se rapproche. Les réserves ne couvrant plus que quatre mois d’importations, elles passeront sous les trois mois d’ici avril 2012 (en réalité, les réserves ne sont que de 13 milliards, 5 milliards devant aller au remboursement de la dette publique). A cet horizon, la Banque centrale ne pourra plus soutenir la livre égyptienne (à son plus bas depuis sept ans) et la perspective d’une crise économique profonde se rapproche.
Néanmoins, ce scénario n’est pas encore assuré : Le prêt du FMI de 3,2 milliards USD sera réactivé sous peu (à la fin du premier trimestre 2012 ou début du deuxième trimestre probablement) ; le FMI, qui demande un consensus politique large et un plan de redressement de deux ans, pourrait engager davantage de fonds que les 3 milliards initialement prévus. La Banque mondiale a promis 2 Mds de son côté et les pays du Golfe près de 10 Mds USD (dont les déboursements sont très en retard…). Or, on estime le besoin de financement en devises entre 25 et 30 milliards USD entre juillet 2011 et juin 2012, dont 50% pourraient être levés en locale auprès des banques notamment. Au final, les besoins de financements externes pourraient être entièrement couverts par les prêts de ces institutions et quelques soutiens externes. Ce qui inquiète, c’est que cette solution doit se dessiner dans un délai aussi court… 

Commentaire: On a souvent dit que la situation économique était tributaire, en grande partie, de la situation politique, qui inquiète touristes, investis-seurs et bailleurs de fonds étrangers. Les derniers événements sont de nature à nous rassurer sur cette situation : 
  •  Les élections parlementaires se sont terminées dans le calme et un président du Parlement et deux vice-présidents sont désignés. Le score des Frères musulmans (49%) rassure aussi : ils pourront se passer des voix salafistes radicales et passer une alliance stable avec les libéraux du Wafd. 
  • L’armée a donné un calendrier pour les élections présidentielles (juin 2012) et donc pour le transfert du pouvoir des militaires aux civils. Les Frères musulmans acceptent et soutiennent ce calendrier. 
  • Les appels à manifester contre le régime militaire n’ont pas été très suivis le 25 janvier, et l’équilibre des pouvoir entre Frères musulmans et armée parait stable et solide pour le moment. Au final, on peut aujourd’hui supposer que l’Égypte va connaitre une période moins instable au niveau politique, ce qui facilitera les négociations avec les bailleurs de fonds. NB : Les États-Unis ont laissé entendre qu’ils allaient augmenter leur assistance à l’Égypte (au détriment d’autres pays) et surtout, l’accélérer.
Tunisie : 
Le gouvernement et le pays au bord de la crise de nerf ; la période de grâce n’a duré que dix jours. Le gouvernement actuel et ses députés commettent un nombre très important d’erreurs qui se retournent contre eux, dans une opinion publique qui contre-attaque systématiquement. Les grèves, manifestations et sit-in n’en sont que plus nombreux. Les risques de troubles politiques sont très probables en 2012, alors que l’économie peine à redécoller (les déclarations d’investissements sont en baisse de 6% en nombre). Ils incluent : une démission du gouvernement, du Premier ministre ou de plusieurs ministres, une ouverture du gouvernement à l’opposition (gouvernement d’union nationale), des manifestations de grande ampleur, voire le spectre d’un coup d’État… Si ces difficultés se poursuivent au-delà du premier semestre 2012, il y a peu de doutes que les agences de notation finiront pas placer le pays un cran plus bas en catégorie spéculative… à moins que la visite cette semaine du secrétaire adjoint au Trésor américain ne signifie une hausse du soutien financier américain à la Tunisie.


Études Économiques Groupe – Crédit Agricole S.A.

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