vendredi 29 octobre 2010

Forum francophone des affaires - Les économistes francophones interpellent les chefs d'Etat sur la nécessité d'intégration régionale et de création de places financières

L'émergence des économies africaines et les places financières francophones ont été les questions débattues par les hommes d'affaires et experts francophones, en présence du président béninois les 21 et 22 octobre, à Genève en Suisse.
Cette rencontre associée au sommet des chefs d'Etat et de gouvernement francophones réunis à Montreux, en Suisse, a eu pour objectif de réfléchir sur les enjeux économiques de la francophonie. D'imminentes personnalités ont fait le déplacement de Genève, parmi lesquelles : Boni Yayi, président de la République du Bénin, Abderaman Djasnabaille, ministre tchadien des Droits de l'homme, Anicet Dologuele, ancien Premier ministre centrafricain et ancien président de la BDEAC, Agbeyomé Messan Kodjo, ancien Premier ministre du Togo et président du groupe Afrique du Forum francophone des affaires, Christian Bongo, directeur général de la Banque gabonaise de développement, Hugo Ferreira, directeur de la compagnie Benjamin de Rothschild, Philippe Séchaud, administrateur de banque en Afrique, Alain Fénéon, avocat à la cour et spécialiste Ohada, Luc Rigouzzo, directeur général de Proparco, du groupe Agence française de développement (AFD), Stephen Decam, secrétaire général du Conseil français des investisseurs en Afrique, Marie-Yvonne Charlemagne, directeur financier du groupe Rougier.

Plusieurs questions ont été évoquées, telles que : le climat des affaires en Afrique et les véhicules d'investissement ; ces actifs africains ignorés par la finance ; l'Afrique, laboratoire des économies futures ; comment l'Afrique peut-elle reprendre le contrôle de son négoce ?

« Mon vœu est que notre continent soit impliqué dans la gouvernance des affaires de notre planète »

L'allocution de Boni Yayi, président de la République du Bénin, a été le point marquant de la rencontre : « (...) L'espace francophone doit être véritablement un espace qui assure le progrès social. L'économie africaine au sud du Sahara reste encore marginalisée, car nous subissons les technologies et le modèle économique venus d'ailleurs. Mon vœu est que notre continent soit impliqué dans la gouvernance des affaires de notre planète. Pour cela, il nous faudra mettre en œuvre des stratégies de financement, celles poussant à la compétitivité et au partenariat public/privé. Nous devons aussi étudier une autre méthode de distribution d'eau et surtout croire en la justice et au respect des droits de l'homme. Avec le FFA, nous pourrions travailler pour cette émergence économique francophone. »
Intervenant pour sa part sur la question des « Actifs africains ignorés par la finance », Anicet Dologuele a démontré que cette ignorance était due à différents facteurs comme « le détournement des ressources, l'octroi sans transparence des permis et la signature des contrats en leur défaveur ». L'ancien président de la BDEAC a tout de même affiché son optimisme, car selon lui, l'annulation de la dette a généré des montants pouvant être reversés au profit de la production. Il a aussi fait état de l'intégration régionale, qui devrait se réaliser au niveau politique, législatif, monétaire et économique en mettant l'accent sur la construction des infrastructures et l'offre de produits financiers aux investisseurs, leur permettant d'intervenir durablement en Afrique. Quant à Sylvain Goupille, directeur Finance Carbone BNP Paribas, il estime que « le capital carbone est encore inexploité en Afrique, à l'exception près des projets de certification du bois notamment dans le bassin du Congo ».

Il nait en Afrique une nouvelle génération d'investisseurs

Prenant la parole pour parler du « Climat des affaires en Afrique et les véhicules d'investissement », Philippe Séchaud, administrateur de banque en Afrique, a constaté la résistance des banques africaines face à la crise financière, et une amélioration de la bonne gouvernance. Quant à l'environnement économique, il a assisté à la naissance d'une nouvelle génération d'investisseurs restant et investissant dans leur pays, dans le transport et la télécommunication. Néanmoins, « la croissance ne suffit pas à rattraper le retard, surtout que les marchés régionaux ont du mal à se constituer. Il est vital de mettre en place les marchés financiers pour attirer les investisseurs locaux et internationaux. Pour cela, les Etats africains doivent mettre en place un canal incitatif en vue de l'accroissement économique ». Pour maître Alain Feneon, ce canal incitatif a été mis en place en matière législative grâce à l'Ohada (Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique), qui apporte aux entreprises une sécurité juridique. « En vue de l'accroissement économique, l'organisation juridique et judiciaire est importante. L'Ohada est une révolution et les entreprises sont satisfaites de ce système. Mais nous déplorons le fait que malgré le recours à l'arbitrage qui apporte un semblant de neutralité, la sécurité judiciaire n'est pas encore établie, car le juge national n'est toujours pas déconnecté de toute pression étatique ». Tout comme lui, Michel Juvet, directeur de la banque Bordier, a démontré que la croissance est en marche depuis 10 ans grâce aux règles juridiques qui se sont développées, sauf que « l'Afrique doit aller chercher les investisseurs étrangers, les convaincre, vendre ce qu'elle produit et investir dans les actions, les devises, le rachat de dettes... ». En conclusion, il a déploré le fait que les sociétés étrangères en Afrique n'investissent pas assez dans la finance et l'agriculture.

Le continent souffre d'un manque de visibilité sur l'acheminement des produits qu'il exporte

Comment l'Afrique peut-elle reprendre le contrôle de son négoce ? C'est à cette question qu'a répondu André Soumah, président et directeur général de l'Audit, contrôle et expertise globale (ACE), provoquant une vive réaction. Selon lui, « les projets économiques n'avancent pas parce que l'Africain ne connait pas son marché. Pour prétendre prendre ce contrôle, il faut pénétrer les multinationales américaines qui désorganisent le système et définir une vision claire de développement. Parce que le système économique africain est opaque, il n'y a pas de visibilité sur l'acheminement des produits vendus à l'exportation. En plus, nous construisons des usines sans marchés et nos banques ne se concentrent qu'au transfert de capitaux ». Pour Monsieur Balkany, vice-président de Toreador Resources Corporation, plaidant pour l'intégration régionale, « il y a très peu de commerce entre pays africains. Le continent doit se reprendre, former ses entrepreneurs et se réapproprier ses richesses naturelles ».

Les pays africains sont des pays riches mais peuplés de pauvres... c'est un paradoxe qui doit nous interpeller

Nous avons interrogé Stephen Decam, secrétaire général du Conseil français des investisseurs en Afrique, à propos du développement de l'Afrique francophone et de l'impact du débat organisé. Sans détour, il a répondu : « Ce développement est inversement proportionnel au nombre de forums dont malheureusement un trop grand nombre sont des forums bavards. Nous devons y aborder les vrais problèmes comme l'Etat de droit et la bonne gouvernance, l'intégration régionale, les investissements et la place faite au secteur privé comme vecteur majeur du développement. Pour cela, il faut un secteur privé dynamique associé à un Etat fort. Le secteur privé est déjà dynamique. Faisons en sorte d'avoir des Etats forts qui garantissent aux investisseurs une parfaite visibilité, sinon, ceux-ci iront ailleurs. Il ne suffit pas qu'un Etat se proclame démocratique pour être un Etat fort, il faut d'abord qu'il se soucie des besoins fondamentaux de ses populations qui sont se nourrir, se soigner et s'éduquer. Beaucoup de pays d'Afrique sont des pays riches mais peuplés de pauvres, c'est un paradoxe qui doit nous interpeller ! »

A l'issue des débats, un rapport a été établi en vue d'être transmis par Boni Yayi, président de la République du Bénin, aux chefs d'Etat présents à Montreux. Rappelons que le Forum francophone des affaires (FFA), organisation économique internationale, joue également le rôle de partenaire privilégié des instances nationales. Associé au sommet des chefs d'Etat et de gouvernement francophones, le forum se tient chaque année à Genève, en Suisse.

Carmen Féviliyé

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