jeudi 11 novembre 2010

Le G20, à quoi ça sert ?

Créés pour répondre aux crises financières des années 1990, les sommets du G20 peinent à intéresser le grand public. Sont-ils pour autant inutiles ? Entretien avec Gunther Capelle-Blancard, professeur d'économie à l'université Paris-Sorbonne.
Par Ségolène ALLEMANDOU France 24 (texte)
Le G20 rassemble 19 pays ainsi que l'Union européenne (UE) et représente à ce titre les deux tiers de la population mondiale et 90 % du PNB mondial. Et pourtant, l'opinion publique peine à suivre ces grands rendez-vous de la finance mondiale...
Les observateurs s'accordent à dire que, des quatre sommets des chefs d'État et de gouvernement organisés depuis 2008, seul celui de Londres, en 2009, a permis de déboucher sur des actions concrètes en amortissant le choc de la crise.
Parmi les 20 pays membres, on retrouve ceux du G7 (Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Canada), ainsi que l'Afrique du Sud, l'Australie, l'Arabie saoudite, la Russie, la Turquie, 4 pays d'Asie, trois d'Amérique latine, et l'Union européenne.

De quoi s'interroger sur la pertinence de ces grand-messes... surtout quand on écoute le président français, Nicolas Sarkozy : "Vous croyez que cela nous fait plaisir de nous réunir ? Nous sortons vidés de ces sommets ! Je préférerais faire du bateau sur le lac Ontario", avait-il déclaré à l'issue du G20 de Toronto, en juin dernier.
D'autres ne manquent pas de pointer du doigt le coût parfois exorbitant de ces rencontres organisées aux frais du contribuable (quelque 960 millions d'euros avaient été déboursés pour Toronto). Quelle est l’utilité des réunions du G20 ? Éléments de réponse avec Gunther Capelle-Blancard, directeur adjoint au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) et professeur d'économie à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne.



FRANCE 24 - Les sommets du G20 manquent de lisibilité et coûtent cher. Quel est l'intérêt de telles rencontres ?
Gunther Capelle-Blancard - Certes, le G20 coûte cher mais l’organisation du sommet de Séoul est une opportunité énorme pour les Sud-Coréens. Cet évènement est avant tout une vitrine qui va leur permettre de démontrer leurs compétences économiques et techniques. La Corée du Sud est le premier pays émergent à accueillir un G20, ce qui signifie que les Sud-Coréens sont entrés dans la cour des grands. Ils vont recevoir les grandes puissances, et discuter avec eux des problèmes économiques importants.
Il y a quelqu’un d’autre pour qui ce sommet a toute son importance, c’est Nicolas Sarkozy. Occuper la présidence du G20 représente pour lui un tremplin avant la présidentielle de 2012 en France.

F24 - En dehors de ces quelques symboles, quelles avancées concrètes doit-on au G20 ?
G. C.-B. - En 2009, le sommet de Londres avait permis d'éviter une dépréciation de la monnaie. La crise économique aurait pu être beaucoup plus grave, à l’image de ce qu’on a connu dans les années 1930.
Les États-Unis, l’Union européenne et la Chine ont pris des mesures de relance de manière coordonnée. Il y a donc eu des résultats mais c’était assez facile car toutes les nations étaient dans la même configuration, à savoir faire front pour éviter la crise.
Aujourd’hui, les problématiques ne sont plus les mêmes et des divergences d’intérêt sont apparues entre chaque nation, notamment concernant le taux de change. Je dirais qu’on est en pleine phase de transition car il n’y a pas de pays qui occupe une position hégémonique, comme cela a été le cas des États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. C'est pourquoi le système monétaire a du mal à fonctionner de manière optimale.
Les sommets depuis 2008
novembre 2008 : Washington.
avril 2009 : Londres.
septembre 2009 : Pittsburgh.
juin 2010 : Toronto.
novembre 2010 : Séoul.
novembre 2011 : prévu en France.

F24 - Comment expliquez que l’opinion publique ait du mal à s’intéresser à ces sommets ?
G. C.-B. - Le Groupe des 20 existe depuis longtemps [il a été crée en 1999] mais a réellement pris forme en 2008 en réponse à la crise financière. Dans un premier temps, les chefs d’État et de gouvernement ont pris soin d'adopter des mesures concrètes, notamment sur la rémunération des traders et sur la lutte contre les paradis fiscaux. Ils ont été accusés, par les journalistes notamment, de faire du populisme, et de ne pas entrer dans le vif du sujet en traitant de réelles problématiques comme les normes comptables. Les sommets suivants ont ensuite abordé des problèmes plus techniques liés à la régulation financière.
Pour le sommet de Séoul, la réforme du système monétaire international va être le thème phare. Certes, c’est un sujet assez complexe que le grand public maîtrise mal car il a une très mauvaise culture économique. Mais c’est un sujet tout à fait G20.
Je pense cependant que le G20 n’a pas pour unique objectif de donner des détails techniques. Aujourd’hui, sa mission est avant tout de faire des recommandations. Et c'est pourquoi il est essentiel que celles-ci soient formulées par les politiques. Le mérite de ces sommets est de juguler les déséquilibres et de coordonner les différents pays. Imaginez une réunion bilatérale entre la Chine et les États-Unis sur la guerre des monnaies, on peut facilement imaginer que chaque partie camperait sur ses positions. Ces rencontres multipartites peuvent permettre d'obtenir une meilleure coopération.

F24 - Que peut-on espérer du sommet de Séoul ?
G. C.-B. - Comme on est dans une phase de transition, il est probable que l’on n’aboutisse pas à des mesures révolutionnaires. Mais cela ne voudra pas pour autant dire que le G20 est inefficace. Il soulignera plutôt la difficulté des problématiques.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Membres